ALÉAS CIRCONSTANCIELS

ELISA FLORIMOND, NOÉMIE PILO

24 juin - 4 juillet 2021

Vernissage : 25 juin 18-22h

Commissariat : Sarah Tritz

avec la complicité de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs.

 

STATEMENT DES ARTISTES

Aléas circonstanciels réunit des événements qui surviennent et des temporalités traduites. Les marques involontaires des objets exposés s’accordent à la terre rouge, à la pierre, au cuivre et au papier d’aluminium. Les éléments sont des arguments de ce qui est regardé attentivement : le liquide semble rompre le jonc, la marée imprègne la branche de palétuvier, le carrelage est encore humide de l’averse passée et le savon trouble les eaux tranquilles. Ici, reflets artificiels et illusions naturelles dialoguent au sein d’une tentative abstraite de représenter l’épiphénomène.

Aléas circonstanciels

Aléas circonstanciels

Formes liquides, lumières

Formes liquides, lumières pénétrant de l'intérieur des murs, vapeurs sur verre et arbres poussant du sol jusque dans les murs : les œuvres de Noémie Pilo et Elisa Florimond sont une collection d'artefacts proposés comme preuves apparentes d'une recherche née d'un questionnement constant, ainsi que d’une observation aiguë du monde. Comme une intelligence artificielle ancestrale, les deux artistes dirigent leurs visions tentaculaires et leurs attentions vers le monde qui les entoure, apprenant en voyant. Bien que différentes dans la technique et la recherche, et sans être nécessairement complémentaires, les œuvres qui en résultent exposent principalement des sensibilités uniques et personnelles dérivées d'un monde observé sous la même perspective.

Percevant la nature à la fois comme caractère et décorum, Elisa Florimond réinvente ses formes à travers des corps métaphoriques. L'œuvre Pneumatophore montre une forme élégante en tension perpétuelle. Équilibrant ses pieds fins sur le sol, elle est légèrement suspendue au mur d'une manière à la fois fragile et cohérente. Comme une relique d'une mangrove, l'œuvre rappelle au spectateur la force prodigieuse de ces arbres exhibant leurs racines et poussant au-dessus de l'eau, en cycle constant avec la marée. Issus d'une réaction évolutive, ces arbres nous rappellent le génie de la nature : adaptatifs, apprenant, s’auto-améliorant, rebondissant de l'eau et pointant vers le ciel.

Une analogie indirecte peut être observée dans l'œuvre Chirales de Noémie Pilo, montrant deux pierres. Alors que l'une des pierres conserve son état naturel, la seconde est recouverte d'une teinte verte poudrée. En fait, l'œuvre s'inspire de la tradition japonaise du Suiseki qui réside sur la recherche et la collecte de pierres expressives aux formes particulières. Les pierres sont ensuite présentées sur des socles élaborés, mettant en avant la culture de respect pour le plus-que-humain, pour l’environnement, pour l’essentiel. L'acte de création est donc réservé à la Nature, et l'acte de l’exposition - aux humains.

La couleur verte est quant à elle de la poudre de Matcha, recouvrant la pierre comme si c'était de la mousse, tout en faisant ressortir sa forme naturelle et évoquant encore une fois une humidité invisible.

L'une des œuvres co-signées, Illusion naturelle, montre un tube de verre contenant une tige de cuivre et un liquide de couleur bleuâtre qui, comme nous l'apprenons, est en fait un acide fort conçu pour oxyder le cuivre et créer de la vapeur. La tension visuelle que produit cette œuvre est renforcée par une fuite légère que l'on observe au sol et qui interroge la fermeture entre les deux réceptacles. En effet, ils ne sont ni collés ni scellés et tiennent exclusivement à la tension physique produite par le liquide et à l'équilibre précis de la répartition du poids entre les éléments.

Les lois de la chimie et de la physique sont approfondies ensuite dans l'installation Arguments ordinaires composée d’un petit verre tenant un fil de cuivre, posé sur le couvercle d’une des deux boîtes en plastique contenant ce qui semble être des cruches et des citrons, comme un possible hommage aux expositions Laboratory 02 (1996) d’Edith Dekyndt et Smog / Tomorrow’s Sculpture (2018) de Katinka Bock. Ces deux corpus d'œuvres représentent sans doute une inspiration importante pour Elisa Florimond et Noémie Pilo, attirées par les éléments en constante évolution et les matériaux en mutation.

À travers les murs des boîtes de couleur laiteuse, le spectateur remarque que les citrons flottent dans l'eau et que les boîtes quant à elles sont scellées. Comme l'œuvre précédente, Arguments ordinaires évoque un changement et une transformation constants. Avec le temps, les citrons se décomposent, provoquant une évaporation de l'eau plus rapide, dégageant de la vapeur dans des endroits étranges.

L'évolution de l'œuvre est encore inconnue et est à découvrir tout au long de l'exposition.

Cette fascinante exposition imprègne l'espace de couleurs claires et vaporeuses, exprimant une sensibilité jeune et curieuse. Tout en même temps, la transformation constante des matériaux, par fuite, évaporation, décomposition ou séchage, évoque inévitablement l’inquiétante étrangeté, le unheimlich, d'une vie à la fois déjà et pas encore vécue.

Gabriela Anco

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