JOYAUX AU COEUR DES TENEBRES

SYLVAIN HERAUD

2 février - 27 février 2013
Vernissage : 7 février 18h - 21h


De jour, il déjoue les ruses des vilains hackers ; la nuit, il joue les monte-en-l’air. Surdoué de la recherche cryptographique et spécialiste de la sécurité informatique, Sylvain Heraud, en homme du nombre, de l’ombre et du clair-obscur, n’ignore rien des ruses des « travailleurs de la nuit » et les nuits sans lune sont celles qu’il affectionne pour accomplir ses exploits en compagnie des fantômes, spectres et autres revenants toujours fidèles en leurs murs silencieux. Ses lieux de prédilection sont ceux qui, depuis des lustres, sont oubliés des hommes : usines désaffectées, antiques demeures que les ombres tentent désespérément de parer d’un semblant de lustre passé ou châteaux d’un autre temps qui ne bruissent plus que du vol feutré et furtif des chauves-souris. Ce rat d’hôtel est d’une espèce nouvelle encore peu connue. Il est vrai qu’ombre parmi les ombres, la discrétion est ici habit de rigueur ; et pas vu pas pris un vieil adage auquel il s’est farouchement attaché. Car le jeune homme, la trentaine, emprunte des routes singulières qui n’ont vraiment pas grand-chose à voir avec les voies de l’informatique. Lorsqu’il part en chasse, après un minutieux repérage digne d’un commando, muni simplement d’un GPS et d’une carte d’état-major, il attend que la nuit enveloppe l’objectif, souvent en rase campagne, mais il lui arrive de se dérouter jusqu’en centre-ville. Armé de patience et d’une lampe de poche, il s’agit ensuite de jouer les passe muraille et les funambules, déjouer les chausse-trapes, voire aussi jouer au chat et à la souris avec la maréchaussée qui a souvent vite fait de découvrir chez un modeste quidam passionné de photographies un squatter potentiel ou quelque dangereux terroriste. Quoi qu’il arrive, la montée d’adrénaline est toujours au rendez-vous, et c’est bien la seule certitude dont il est assuré. Après, c’est une entrée en mystère comme on entre en religion. Le silence déjà, à lui seul, n’évoque-t-il pas ces sanctuaires interdits aux simples profanes ? Et ces murs qui suintent la tristesse d’un temps révolu n’incitent-ils pas à la méditation ? et Sylvain Heraud d’essayer d’en capter l’intime, de laisser sourdre de son Canon les blessures anciennes, le bruit des machines, les rires et les jurons, les lueurs mêmes de la fonte en fusion pas tout à fait effacées, leurs reflets inscrits dans la porosité des murs. Délicate attention d’un être qui tient à conjuguer le passé au présent, d’un esprit en quête d’on ne sait quelle lumière, sous des lambris aux ors pâlis, sous des verrières en coupole qu’illumine une lumière venue d’un autre monde ; cathédrales de fer ou antres glacés dignes des décors les plus fous du Metropolis de Fritz Lang. Sylvain Heraud a parcouru la Belgique, l’ex-RDA, la Bulgarie, l’Allemagne et le Japon pour s’introduire dans ces lieux improbables, en déshérence toujours ; parfois, il s’est laissé surprendre par des pandores vigilants ; parfois aussi notre Lupin du XXIe siècle s’est introduit furtivement dans des usines encore en activité le jour, surgissant de la nuit happé par un escalier à volute pour dérober une part des rêves cachés, mais sans jamais laisser trace de ses intrusions. En Italie, il s’est immiscé dans des hôpitaux psychiatriques en ruine quand l’aube blafarde ne parvenait pas à faire oublier la détresse à jamais inscrite. Univers glauque comme celui d’un monde englouti et d’étranges lumières pour transfigurer ce monde figé ; bleus d’océans souterrains, ors de métaux en fusion, argent de froid métal, toute une architecture se déploie, surprise dans son extrême nudité, dépouillée et pourtant, tel un grand corps moribond, debout dans son chaos et sa splendeur passée, comme sublimée dans sa mourance par une lumière intérieure. Homme du Chiffre, du secret, Sylvain Heraud ne livre aucun de ces lieux. Inutile de chercher sur une carte, chacune de ses découvertes est soigneusement protégée, à l’instar d’un site qui doit impérativement être préservé : boîte de Pandore pour les non-initiés ou de maigre butin pour d’autres... Mais qui sait, au fond, s’il ne poursuit pas, en chercheur solitaire et ombrageux, un nombre d’or que lui seul serait à même de décrypter dans les flancs de ces beaux vaisseaux anoblis d’un regard et que le temps et les hommes ont laissé s’engloutir.

Florent Founès

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