ON THE ROAD

RADA TSANKOVA

1 février - 24 février 2019
Vernissage : 31 janvier à partir de 18:00

Le mouvement est un des sujets principaux de mon travail. Dans cette exposition je voudrais le mettre en avant, avec des œuvres comme Moving Picture, Chemin de vie, Épopée ou La traversée d’un peuple, avec des peintures réversibles comme « Montagnes blanches » et les mobilbooks.

On the road représente pour moi le chemin de la peinture sur lequel je me trouve depuis plus de 20 ans. Chaque peinture est un pas, chaque série ‒ une étape sur la voie infinie de la peinture. Les hommes qui traversent l’espace dans mes dessins sont en mouvement perpétuel. Ils cherchent, luttent entre eux ; encombrés de poids, ils gravissent des montagnes, traversent des vallées sur des ponts suspendus, s’amusent…

Dans mon travail, l’homme est à la recherche de sa place dans le monde. François Cheng, de l’Académie française, en parle en ces termes : « ces paysages habités vibrent d’une lumière où l’âme humaine entre en résonance avec le mouvement rythmique qui gravite du fond de l’univers vivant… »

On the road again de Canned Heat, la country de Willy Nelson, Why don’t we do it in the road des Beatles, enregistrés dans les années 70 et 80, sont autant de sources d’inspiration qui évoquent pour moi un temps où l’homme se préoccupait plus de son être que de son avoir.
Le choix de ce titre symbolique pour mon exposition parle de la nostalgie de ce temps, mais aussi de l’espoir que l’homme reviendra vers son âme d’une nouvelle façon.

Rada Tzankova

moving-picturesii-2-1_orig.jpg

Moving Pictures

Les mondes de Rada Tzankova surgissent sur la toile ou le papier, au fil de l’encre et des pensées. Le mouvement est inscrit au cœur de ses créations et le spectateur est invité à circuler dans son univers, protéiforme au sein de sa perceptible unité. Il y a en premier lieu des rapports d’échelles saisissants. Ainsi Montagnes blanches s’embrasse d’abord du regard, dans la respiration calme et contemplative d’un paysage grandiose. En panorama. Puis il s’agit de gravir ses flancs jusqu’à son sommet et, chemin faisant, le vivant fourmille : myriade de détails et pléthore de situations au détour d’espaces vides. Dans sa recherche du mouvement dans l’image, Rada Tzankova va jusqu’à proposer des œuvres modulables, dont les pièces amovibles, interchangeables et réversibles, se raccordent pour conter de multiples histoires au gré des circulations obtenues.

Les rythmes d’apparition du trait sont aussi variables que les formats, du tondo défiant les lignes d’horizon, au kakemono, du livre d’art à l’immense fresque de L’Épopée. Les époques, les cultures, les citations, les représentations scéniques et stylistiques sont aussi élastiques. Un peuple traverse la mer, de guerre lasse, il s’envole avec des cerfs-volants dans un devenir-enfant. Anges, juges et âmes apparaissent ici et là. Un tipi amérindien à tête de loup jouxte le rocher sri-lankais à tête de lion. Un homme se suicide tandis qu’un autre tend la main au bord d’un précipice et que d’autres déjeunent sur l’herbe. Tableau dans le tableau. Tout coexiste dans un même espace et ces représentations semblent moins incongrues que nécessaires, paraboles livrées pêle-mêle et pourtant subtilement ordonnancées.
Le spectateur traverse ainsi des temporalités et des figurations toutes relatives. La nature du trait peut tout aussi bien évoquer la stylisation plastique d’un artiste rupestre ou l’épure d’une représentation abstraite, choc des époques et des évocations… Parcourir les univers de Rada Tzankova, c’est en somme arpenter le patrimoine de l’humanité, relaté par le prisme de l’artiste, multipliant les jeux de pistes dans les saillies originales de son langage plastique.

Écriture visuelle

On peut véritablement parler d’une langue et d’écriture visuelle, d’une narration symbolique qui oscille entre abstraction et figuratif. L’artiste
joue avec les mots et les sens, se joue des rapports spatiaux-temporel, multiplie les citations qui ricochent dans les imaginaires. Ainsi, L’Angélus de Millet est souvent représenté, il peut être présent sur un sommet tandis qu’une skieuse, cocasse, dévale tout schuss la pente derrière le couple recueilli. L’Angélus est selon l’aveu de Rada Tzankova une sorte de tampon, de cachet que l’on retrouve dans de nombre de ses œuvres.

Dans son vocabulaire, on retrouve aussi par exemple un pêcheur à la ligne, qui représente la patience, un soufi, marquant une ligne spirituelle, un zeppelin, pour le temps qui passe. Cette scène émane d’un souvenir d’enfance de Millet, et il est intéressant de se pencher sur le processus de création de l’artiste. Elle a des carnets de dessin qu’elle appelle son journal intime. Tous les jours, elle y consigne des choses vues et des scènes qui apparaissent dans son espace mental. Quand elle entre dans son espace créatif et méditatif, elle s’imprègne au départ d’une couleur, parfois d’un début d’histoire. Elle travaille avec peu de matière et des gestes liquides qui coulent de source au rythme de sa main. Juste une envie de couleur et elle entre dans l’espace du dessin, par la ligne émergent des formes, arrivent des situations et des personnages qu’elle puise dans sa bibliothèque d’images. Elle intègre aussi le vivant et l’imprévisible, corolaire de son magma vibrionnant. Elle imbibe parfois son papier d’huile de lin et l’explore en parchemin, se joue de la transparence d’un calque ou dessine des livres-objets avec enluminures.

Intime cartographie

Ainsi le regardant ne peut épuiser ses possibles traversées dans les mondes mouvants de Rada Tzankova. Chacun le traverse au gré de son ici et maintenant, de son ailleurs, de ses passé et futur.

Aux niveaux macro et micro, les points de vues sont multiples et les irruptions du vivant, intempestives et symboliques, rappellent que l’anecdote n’a rien d’anecdotique et pave le sensible. « Il y a toujours du monde dans mon travail. Mais c’est aussi la métaphore d’une personne qui traverse la vie, de l’homme qui cherche sa place dans l’univers. » Ainsi L’Epopée, pièce de 10 mètres que l’artiste voulait déraisonnable, dessine-t-elle aussi une intime cartographie. Il faut alors s’attarder et prendre le temps du regard. « Mon travail ne crie pas, il parle. » Il souffle même, à l’instar du vent dans la montagne. Il est cheminement.

Pulchérie Gadmer

La cascade,

La cascade,

Précédent
Précédent

TOUT VA TRÈS BIEN

Suivant
Suivant

ERNEST ET CÉLESTINE, JOURS DE FÊTE