OF THINGS INVISIBLE TO MORTAL SIGHT

KATHERINE OH

12 octobre - 25 novembre 2018

Posé sur la table de l’atelier de l’artiste, un livre d’Hubert Damisch Théorie du nuage, pour une histoire de la peinture… Katherine Oh continue d’explorer sensiblement les cieux, les espaces mentaux et éthériques.
Le titre de son exposition est extrait du livre III du poème Paradise Lost de John Milton, que Chateaubriand traduisit par : « des choses invisibles à l’œil mortel ». La peintre reste imprégnée de l’éducation religieuse reçue dans son enfance. Dante, Milton et Blake sont en ce sens des référents. Ils envisagent le christianisme comme support pour exprimer des questionnements contemporains et fondamentaux. Ici la question posée à nous autres mortels, c’est notre quête de l’invisible.

Dans la Galerie Mansart, disposition des toiles, nature des formats, variations des teintes et surgissement du figuratif composent un parcours narratif pour le spectateur.

D’un côté, des petits formats pensés comme autant de fenêtres. Ce sont des aperçus d’espaces harmonieux, des moments idéaux où tout tend vers la perfection. Des petits morceaux d’infini. Ces instants où tout concorde dans la beauté des êtres et des choses. Des temps d’équilibre qui font échos aux inévitables bascules du pas assez ou du trop.

Nous sommes invités à regarder à travers ces lucarnes de plénitude. En nous retournant, l’impression est autre. Les grands formats aspirent le regardant. L’espace englobant et vibrant de la toile est réflexif, il incite à plonger en nous même, au cheminement intérieur. Les deux polarités du clair et de l’obscure ne sont pas antinomiques, ni manichéennes. Elles sont les parties d’un tout, deux états différents, que l’on traverse dans une succession de moments, confie l’artiste. Ce qui importe, c’est le voyage. La nuit peut être lumineuse et le jour assombri.

Entre ces deux polarités, émerge un enfant. Est-ce lui qui sort du ciel vers notre monde ? Ou bien jette-t-il un regard vers notre réalité avant de s’en retourner vers la sienne ? De disparaître inexorablement ? Est-ce nous qui avons juste un aperçu de la beauté du lieu où il réside ? Mystère de la naissance. Part d’enfance. La fente est métaphore sexuelle et métaphysique. Le ciel s’ouvre et se ferme.

En se déplaçant vers le fond, le silence est de mise. Katherine Oh, dans ces moyens formats, cherche l’infime moment de suspens entre inspire et expire. Ce temps calme, éphémère, neutre et plein, dans la course des choses.

Le temps est au cœur du travail de l’artiste et intégré dans son processus de création.

Quand la peintre approche une toile, elle se demande à quelle heure de la journée elle va déployer son geste, elle prend en considération la saison traversée et surtout la température qu’elle ressent. A l’instar de l’épigénétique, elle active telle ou telle recherche tonale et s’exprime différemment en fonction de facteurs environnementaux. Katherine Oh est tout à l’instant dont elle prend pleinement conscience. Elle s’en imprègne pour enclencher son geste. Les aires mentales qu’elle déploie sont issues d’un ressenti physique. Le sensible guide l’artiste pour peindre d’intelligibles espaces.

Chacune de ses toiles s’inscrit dans de multiples temporalités. Elle peint par couches successives qui sont autant de strates composant une archéologie d’instants. En fonction de la température ressentie, elle choisit sa gamme chromatique, son format, et se laisse aller à ce qui va se révéler sur la toile. Son geste achevé, elle se demande : « Qu’est-ce qui manque ? » Ainsi ses toiles sont toujours en devenir, elle y retravaille sans cesse. Le tableau passe par des états successifs, qui ne sont que des moments dans la vie de l’œuvre. Ce qui lui donne sa forme définitive, c’est sa sortie d’atelier pour entrer chez quelqu’un d’autre. Certaines toiles céruléennes ont été jaunes. Dix ans auparavant parfois.

C’est ce travail de captation du temps traversé qui vibre dans les toiles de Katherine Oh. Entre infini et finitude.

Afin de vous présenter l'univers de l'artiste, nous rééditons ci-dessous le texte relatif à sa dernière exposition présentée la Galerie Mansart en mai 2017 : "Le plus vaillant de ces héros s'enfuira, tout nu, ce jour-là"

CIEL

Katherine Oh peint l’impalpable, parle de l’air qui nous entoure et que nous ne voyons pas, d’espaces insécables où se rejoignent l’alpha et l’oméga. Elle interroge la fatalité, l’imparable, la part d’apocalypse que porte tout un chacun. Elle crée des écrans mystérieux qui sont autant d’interfaces entre le mort et le vivant. Tout n’est qu’affaire de point de vue et de changement. Est-ce le dernier rectangle que contemple le gisant ? Ou l’éther paradisiaque des âmes ?

Depuis 13 ans, le ciel est hantise et exutoire. L’artiste y revient sans cesse. Elle insère du figuratif, des objets plats, des lignes graphiques, des portraits ou de l’écriture en fonction des périodes. Avec cette nouvelle série céleste, elle franchit un cap dans sa recherche d’abstraction, tend vers l’épure, le vide.

Katherine Oh repousse le monochrome en instillant une myriade de nuances à la surface de la toile et dépasse l’horizontalité de l’aplat en creusant des aires ouvertes sur les profondeurs. Elle recherche l’écho, la résonnance et la vibration dans la lumière froide. Sa volonté n’est pas de dire quelque chose au regardant, mais plutôt de créer des espaces qui reflètent et projettent en même temps. Des lieux où tout le monde peut se trouver et se perdre. L’homme est à l’image du ciel. Il change dans la seconde même où on le perçoit.

Ses tableaux invitent à une certaine temporalité, à un parcours réflexif et méditatif. Les polarités s’expriment et se tiennent. L’immense et le ténu, le délicat et le violent, le calme et la turbulence, l’extérieur et l’intrinsèque.

L’absence d’occurrence dans le champ de vision provoque la perte de repères, la propulsion atmosphérique. Le regardant vacille dans l’éther. Les points de vue basculent, les lois de l’attraction aussi et l’esprit flette dans l’infime variété du vivant.

Polysémie du ciel. Entre rose et réséda. D’aucuns y trouvent une filiation baroque, une dimension romantique ou bien métaphysique, la traduction d’un espace transcendant et vibratoire, interrogeant la contemporanéité d’un abstrait figuratif.

Katherine Oh ouvre des espaces vides. Le vide est un plein d’énergie. Son écriture en palimpseste se déploie dans une superposition de couches d’huiles, qui chacune prise séparément, résulte d’un geste total dans un espace donné.

Le titre de l’exposition est une citation du prophète Amos extraite de l’Ancien Testament. L’artiste convoque ce qu’on aspire à être et ce qu’il y a de pire en nous.

Nirvana ou limbes, ascension ou déréliction, la proposition et son inverse se tiennent. Dans quel cercle le spectateur se trouve-t-il ? Le mouvement hélicoïdal perçu relève-t-il de la chute ou d’une élévation ? La lumière blanche est espace, et l’homme face au cosmos, en proie au vertige.

« Je pense que le ciel a toujours été avec moi. »

Pulchérie Gadmer

Katherine Oh

Née en 1976 à Los Angeles, Californie Nationalité : française, américaine

Diplôme D.N.S.A.P. des Beaux Arts de Paris, 2005
Diplôme B.F.A. de San Francisco Art Institute, 1999

Katherine Oh est une artiste franco-américaine vivant à Paris. Née en Californie, elle étudie au San Francisco Art Institute, puis intègre le Beaux-Arts de Paris dont elle sort diplômé en 2005. Outre la peinture, elle explore la photographie et poursuit des activités de céramiste, tout en enseignant les arts visuels. Elle a exposé de nombreuses fois en solo ou collectivement à New-York, Séoul, Berkley, San Francisco et Paris. Vit et travaille à Paris

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